05. Retour au point de départ

" Les passagers à destination de Bordeaux sont priés de descendre. Bonne journée ! "

Je prenais ma valise dans le compartiment, puis sortai.
Comme prévu, la famille au complet m'attendait. Ils étaient donc toujours obligés de faire tout en grande pompe ?
J'inspirais, puis m'avançais.
Mon père se précipita pour me prendre ma valise, et il me serra contre lui.
- Tu m'a manqué, ma petite fille.
Puis ma mère me prit dans ses bras. Même discours.
Et quand elle me relâcha, Audrey se jetta dans mes bras. Elle avait beaucoup grandi, et ressemblait désormais plus à une jeune fille.
Je la serrais longtemps, respirant son odeur innocente d'enfant.

Tout le reste devint faux. Ma mère tenait toujours autant aux apparences. Elle avait invité une bonne partie de la famille.
Vers le milieu de l'après-midi, je prétextais avoir besoin de réviser, pour échapper à cette ambiance lourde, fausse.

Je sortais silencieusement de la maison, mon sac passé en bandoulière.

J'errais pendant une heure dans le centre commercial de Bordeaux, à voir des gens que je connaissais. Ils ne me reconnurent même pas.

Je fus soudain prise de nostalgie. Je partais pour notre ancienne planque. Je fus heureuse de constater que personne ne s'en était emparé. Je m'assis dans l'herbe, et regardai le ciel.

Inévitablement, mes pensée dérivèrent vers Alex.
Je jouai machinalement avec le pendentif qui n'avait pas quitté mon cou depuis deux ans. Le fermoir s'ouvrit et le médaillon tomba au sol en s'ouvrant.
Une vieille photo d'Alex et moi était abritée à l'intérieur. Nous étions tous les deux en train de rire. Le bon temps ...
Je la sortais du minuscule cadre, et je vis que quelque chose avait été griffoné au dos.
" Je t'aime"

Je glissais fébrilement le pendantif et le médaillon dans la poche de mon jean et me relevai.
Je me précipitai alors vers la maison d'Alex, courant plus vite que je ne l'avais jamais fait.
Il fallait que j'en ai le coeur net.

J'arrivais hors d'haleine devant son appartement. Je m'exhortais au calme.
Quand ma respiration fut redevenue normale, j'allais sonner.

La mère d'Alex m'ouvrit. Elle semblait être bien joyeuse.
- Nola ? dit-elle, étonnée.
- Bonjour, madame. Alex est ici ? Je dois absolument le voir.
- Il est parti se promener il y a une heure. Il ne devrait plus tarder. Tu veux l'attendre ici ?
- Je veux bien.
- Va l'attendre dans sa chambre, si tu veux. Je l'appelle pour qu'il rentre.
- Ce n'est pas la peine. Ca ne me dérange pas d'attendre.
- Comme tu veux.

Elle désigna la porte d'Alex, et j'allais l'y attendre. Je fermais la porte derrière moi.
Il n'y avait sûrement pas mis les pieds depuis longtemps, car pour une fois, elle était rangée. Je m'assis sur son lit, et regardais la plafond blanc.

Vingt minutes plus tard, j'entendis, à travers la porte que j'avais fermée :
- Tu as de la visite. Elle t'attend dans ta chambre.
- Qui ?
Sa mère rit.

Je l'entendis se diriger vers sa chambre, vers moi. Je me levais.
Il ouvrit la porte, et rentra.
Mon coeur cessa de battre.

Il resta quelques secondes bouche bée, puis se ressaisit. Il ferma la porte, puis me refit face.
Il n'était pas en colère, juste intrigué. Et apparemment, il ne s'attendait pas à me voir.

A vrai dire, je devais quand même faire un peu peur. Mes traits étaient tirés, par manque de sommeil - inutile de préciser que c'était Lui, qui hantait mes nuits-, ma peau sèche, et mes cheveux ternes.

Mais je m'en fichais. J'étais avec lui.
Je le regardais plus attentivement. C'était un homme, maintenant. Il était encore plus beau, plus musclé ... Quand à ses magnifiques yeux verts ...

N'y tenant plus, je me jettai à son cou, et enfouissai ma tête dans son cou. Il répondit à mon étreinte, et me serra contre lui.

Je compris alors que ces deux dernières années, je n'avais pas été heureuse une fois. Ca n'avait été qu'une pâle imitation de CE bonheur-là. J'aurais voulu rester dans ses bras pour l'éternité.

Je finis tout de même par me détacher de lui, et prit la parole, rompant le silence :
- Tu m'a manqué. Je suis désolée pour tout.
Et ... j'ai retourné la photo du pendentif que tu m'avais offert.
Je .. je ...
J'inspirais, puis le regardant dans les yeux, je lui dis doucement :
- Je t'aime.

Il sourit béatement, comme si j'étais un cadeau du ciel. Je lui rendis ce sourire.
Alors il se pencha et m'embrassa. Ses lèvres étaient douces sur les miennes, ses cheveux chatouillaient mon front et j'étais profondément heureuse.

Il posa ensuite ma main sur son torse. Je sentis les battements lents et réguliers de son coeur, et j'eu envie de me blottir contre lui.
Il parla, mais je ne compris rien. J'étais trop occupée à gérer mon bonheur, émotion dont je n'avais plus eu l'expérience depuis trop longtemps.

Puis il m'allongea sur son lit, et se coucha sur moi, toutefois sans m'écraser. Il posa ses lèvres sur mon cou, puis à nouveau sur ma bouche.
Jamais je n'aurais pu imaginer un baiser pareil. Je compris alors qu'il m'aimait lui aussi. Il était beaucoup moins pudique que Matt, et ne cherchait pas à masquer ses désirs.

J'entendis alors un fou rire dans la pièce d'à côté. Ma vue redevint subitement nette.
Alex me prit par la main et m'entraîna hors de l'appartement.

Nos pas nous guidèrent à notre planque.
Là, il m'allongea une nouvelle fois dans l'herbe, et se coucha à côté, en se collant à moi. Il n'avait pas lâché ma main.

- Tu es bien silencieuse, dit-il.
- Je n'ai jamais été aussi comblée.
Je roulais sur mon flanc, et je cherchai ses lèvres.
Nous nous embrassâmes longtemps, et je m'accrochai à lui pour faire durer ce moment.
Finalement, il m'écarta doucement. Je m'allongeai sur son torse, il caressa mes cheveux.
- On a beaucoup de choses à se dire sur ces deux dernières années, dit-il.
- Sur ces deux ans et demi, corrigeai-je.
- Mouais. Allez, raconte-moi. Y a certaines choses que j'ai pas pigé.
- Ma mère a voulu m'écarter de toi, pour que je t'oublie. Elle m'a envoyé en Vendée dans un lycée privé. J'y suis toujours d'ailleurs.
J'ai rencontré des gens sympas.

Quelle description ! Je ne pouvais faire mieux. Revivre ma souffrance alors que j'étais heureuse aurait été du gâchis.
Il caressa ma joue, puis murmura :
- Comment allais tu ?
- Mal. La séparation ne m'a pas profité, et je n'ai pas réussi à t'oublier, ne fût-ce que quelques heures.
- Je suis désolé.
- J'ai trouvé mon antidote.
Et toi ? Qu'as-tu fais ces dernières années ?

Moi ? Ce que j'avais fait ces dernières années ? Pleins de choses. J'avais vécu. Jamais autant que depuis ces dernières minutes, mais je ne m'en été pas trop mal sorti. Il faut le dire.

- Rien qui n'aie de l'imp...

Je m'interrompit en voyant le regard qu'elle me lança.
Alors je capitulai.
Je lui racontai ma vie, mes amis, mes cours, mon lycée. Je racontai que je ne m'en était plutôt bien tiré mais que j'avais continué à penser à elle tous les jours. Je narrai mes aventures "amoureuses" lui disant que je n'en avais jamais aimé une plus que comme une amie. Je rêvai parfois la nuit de pouvoir enfin l'embrasser, elle, la vraie, l'unique, ou bien je restai éveillé dans le noir, ne comprenant pas pourquoi elle n'avait rien dit sur le message du médaillon.

- Parce que je ne l'avais pas lu.
- C'est une bonne raison, reconnus-je. Mais assez parlé du passé. Nous sommes ensemble et c'est tout ce qui compte non ?
- Tu as raison, souffla-t-elle.

J'entrepris de lui caresser la joue avec un brin d'herbe. Le soleil brillait haut dans le ciel et réchauffait nos peaux, collées l'une contre l'autre. Une brise de vent frais agita mes cheveux alors que je me penchais sur elle pour l'embrasser.
Me rappelant alors d'un détail je m'écartai, à mon grand regret, et j'ajoutais :

- Et j'ai appris à jouer de la musique ! Je me suis mis au piano.

Elle explosa de rire et rétorqua, une note incrédule dans la voix :

- Toi ? Musicien ? Je t'ai connu sportif mais je ne te vois pas, mais alors pas du tout, artiste !

Piqué au vif par sa remarque je lui répondis :

- Très bien. Viens aux journées portes ouvertes après le bac et je te présenterai à mes amis. Je te montrerai aussi mon piano et ce que je suis capable de faire avec. On verra bien qui n'est pas fait pour la musique !

Toujours en colère par sa remarque je me levais et m'éloignai. Elle se leva et me rattrapa. Elle voulut ouvrir la bouche pour dire quelque chose mais je ne lui en laissais pas le temps.

- Viens on va manger une glace. Certaines choses ne changent pas, dis-je en passant un bras autour de ses épaules et en l'attirant contre moi.

Décidement, il n'avait pas oublié que j'adorais les glaces.

Toutes les émotions que je ressentais étaient tellement plus vives, plus fortes, que je devais me concentrer pour entendre ce qu'il me disait.

Il enlaça ma taille, et nous partîmes chez notre glacier favori.
- Tu voudrais me présenter à tes amis, dis-je d'une petite voix.
- Bien sûr !

Je souris, mais soudain, j'éprouvais un brusque élan de culpabilité. Je me demandais ce que faisait Matt en ce moment, et ce qu'il dirait s'il me voyait.
Puis sentant la pression de la main d'Alex autour de ma taille, je chassai ces sombres pensées.
J'étais heureuse, je réparerais les conséquences plus tard.

Mais devais-je parler de Matt à Alex ? Lui m'avait bien parlé de ces aventures - et je redoutais plus que tout que lorsque nous devriions nous séparer pour regagner nos lycées respectifs, ils se remettent avec une de ces filles. Mais ne serait-il pas fâché ?

Puis je me dis que nous nous étions cachés beaucoup de choses -entre autre, que nous nous aimions-, et que ça n'avait pas trop réussi.
J'inspirais, puis me lançai.

- Tu sais, moi aussi je suis sortie avec un garçon. Il s'appelle Matt. Et je crois qu'il est amoureux de moi. Je lui ai dit oui pour ne pas le rendre malheureux, et je croyais vraiment qu'il n'y avait plus d'espoir pour nous deux.
Mais j'avais prévu depuis longtemps de rompre. Je voulais juste attendre le bac, parce qu'il est sensible.

Je le vis me scruter des yeux. Il semblait ... plutôt contrarié.
- Il t'aime ? siffla-t-il.
- Tu es ... jaloux ? m'étonnai-je.
- Pas du tout.
- Je t'assure que je ne l'aime pas, du moins dans ce sens-là. C'est juste un ami. Et ... il m'a seulement embrassée.

Elle sortait avec un autre. Je ne pouvais pas lui en vouloir mais pourtant... j'étais indéniablement jaloux. Evidement : j'apprends que la fille que j'aime se fait courtiser par un autre ! Mais elle n'avait pas mal pris le fait que j'en avais embrassé d'autre qu'elle. Mais ce n'est pas pareil, moi je ne les aimais pas. Alors qu'elle... Je n'étais pas certain de son indiférence pour ce Matt.

- Il est sympa ?
- ... oui.
- Cool alors tu me le présentera, peut-être qu'on deviendra amis !

Elle me regarda comme si j'étais un extraterrestre, les yeux ouverts comme des soucoupes.

- Je ne suis pas sure que ce soit une...
- Bonne idée, terminai-je. Et bien, s'il est aussi sympa que tu le dis, il ne doit pas y avoir de problèmes. Non ?

Elle hésita mais ne répondit pas. Avais-je touché un point sensible ? Je commandai une glace à la fraise pour elle et une italienne pour moi. Sûr que c'était plus romantique une glace pour deux mais je ne suis pas partageur pour la nourriture. Et elle non plus. On faisait donc cornet à part.
Je l'emmenai dans le parc de notre ville et nous nous installions sur un banc, juste en face d'un grand étang, fierté de cet espace vert.
J'observais silencieusement les couples louer une barque et faire un tour sur l'eau. Je ne lui en proposai pas un, sachant qu'elle détestait cette attraction. D'une main je tenais ma glace et de l'autre je caressais son épaule nue.

Je finis mon cornet et me levai, ne pouvant plus attendre. J'enlevai mon pantalon et mon T-shirt, me retrouvant en caleçon devant une Nola qui rougit jusqu'aux oreilles et qui me demanda :

- Heu.... Tu compte faire quoi là ?

Je mis un petit moment à comprendre avant d'éclater de rire et de lui dire :

- Non, je me vois mal faire ça en public. Je suis pas comme ça ! Enfin... pas à ce point !

Je déposai un léger baiser sur ces lèvres au bon gout de fraise et je plongeai dans l'étang. Il faisait chaud et le moment était idéal pour une baignade. L'eau fraiche me fit un bien fou. Après plusieurs brasses je lançais à Nola, toujours assise sur la berge :

- Allez ! Viens ! Elle est super bonne !

Le présenter à Matt ? Il débloquait, ou quoi ?
C'était une très, très mauvaise idée. Si je faisais ça, c'était comme si je condamnais Matt à de longues souffrances.
Je ne ressentais pas d'amour pour lui, mais je n'étais pas maso à ce point !

Après avoir mangé nos glaces, il m'embrassa. Encore une fois. J'avais perdu le compte, mais je n'aurais pour rien au monde echangé cette journée.

Il se déshabilla. Je regardais son corps musclé, si beau ... et je devins écarlate, à ma plus grande honte.
- Euh ... Tu comptes faire quoi, là ?
Il rit. Apparemment, nous n'avions pas les mêmes valeurs sur ce sujet.

Il alla se baigner dans l'étang. Il nagea quelques minutes, et je le suivis des yeux. J'avais du mal à croire que lui, le plus bel homme de la terre, me désire, moi.

Il m'invita à le rejoindre. J'étais sensée faire quoi, là ?
Je n'avais pas de maillot de bain. Mais ... je brûlais d'envie de le rejoindre.

Je m'approchais de la berge, tout en me maudissant de ne pas avoir mis de maillot de bain.
J'enlevais mon débardeur et mon jean, et abandonnais mes claquettes sur l'herbe jaunie par le soleil.

Je le rejoingnais rapidement dans l'eau. Il avait raison, la température était parfaite.
Quand j'arrivais près de lui, il me prit dans ses bras et m'embrassa fougueusement. Il posa une main sur ma taille, et enfouit l'autre dans mes cheveux.
- Ne choquons pas les âmes sensibles, soufflai-je.

Comme en réponse à mon murmure, la voix de ma mère hurla sur la berge :
- NOLA ! VIENS ICI IMMEDIATEMENT !
Je soupirais et me détachais d'Alex.
- Désolée. J'en ai pour deux minutes, histoire de rappeler quelques petits principes de base à ma mère. Attends moi.

Je sortais de l'eau. Elle regarda ma tenue, puis dit entre ses dents :
- Je t'avais interdit de revoir ce garçon !
- MAMAN ! J'aime Alex, et quoi que tu fasses, je resterais avec lui aussi longtemps qu'il voudra de moi !

Elle me prit par le poignet et essaya de m'entraîner.
Je sentis soudain la main d'Alex se poser sur mon épaule.
- Tant que Nola voudra être avec moi, tu la laisses, OK ? Elle est assez grande pour décider seule de ce qui est le mieux pour elle !

Ma mère me lâcha comme si je l'avais brûlée.
- Très bien, siffla-t-elle. Je t'attends à la maison à 20 heures. Si tu n'y es pas, considère que tu ne fais plus partie de la famille.

Elle fit volte-face et partit d'un pas rageur.
Tout le monde nous regardait.

Je soupirais et me laissait aller contre le torse d'Alex. Il referma ses bras sur moi. Il me dépassait d'une bonne tête, et cela me donnait une impression de sécurité.
- Tu voudrais bien me rendre service ? J'aimerais bien que ma mère nous foute la paix une bonne fois pour toute. Il faudrait qu'on aille lui parler.

Lorsque Nola entra dans l'eau, je ne pus m'empêcher de la regarder sous tous les détails. Elle était mince, une taille fine, des longues jambes, un soutient-gorge bien remplit... Je l'attirai contre moi. J'étais surement l'homme le plus heureux du monde.

Jusqu'à ce que ça mère débarque. Qu'est ce qu'elle me voulait l'autre vieille ? Elle croyait quand même pas que j'allais faire du mal à mon amour ? C'était hors de question ! Je refusais seulement d'y penser. Plus jamais je ne la ferrai souffrir.

Je m'approchais pour suivre la conversation, nous étions au centre des regards. Je faillis exploser de rire quand l'autre menaça sa fille de la renier. Pensant que ça allait être mal vu, je me retins.

Nola commença à se rhabiller, dommage elle était terriblement belle en sous-vêtement, et m'invita à en faire de même. Elle me prit par la main et m'emmena dans la direction qu'avait prise sa mère. Nous la ratrapions vite et elle la força à l'écouter.

- MAMAN ! Que tout soit clair entre nous, je vis ma vie et je fais ce que je veux ! Compris ?

Waou. J'adorais quand elle se mettait en colère. Elle en devait encore plus irrésistible.

- Je veux bien que tu vive ta vie mais pourquoi te condamnes-tu à souffrir ? N'étais tu pas mieux avec Matt qu'avec cet... ce... bon à rien !?

Comprenant que c'était moi le bon à rien je répliquai-je, frustré que ce mère me compare avec son petit ami : j'avais donc un rival, assez coriace apparemment.

- Olga, nos deux familles se connaissent depuis longtemps non ? Et depuis toutes ces années tu me consière encore comme un incapable ? J'aime ta fille plus que tout au monde que ça te plaise ou non. Et il vaudrait mieux que tu t'habitues à cette idée parce que, apparemment elle m'aime aussi, même si j'ai toujours pas compris comment je pouvais, intéressé une fille aussi géniale que la tienne. Et je suis bien décidé à la rendre heureuse. J'ai pas envie de la faire pleurer alors ne t'inquiète pas pour elle. Elle est entre de bonnes mains.

- Entre de bonnes mains ? Entre les mains d'un bâtard ? D'un fils de pauvre ?

Je fus tellement choqué que j'en perdis tous mes mots. Je n'avais jamais imaginé que Madame le Médecin tenait autant à l'argent. Je ne trouvai rien à redire et je me tournai vers Nola, espérant qu'elle me défendrait car j'étais à cours de mots.

C'en fut de trop. La rage m'aveuglait complétement, et je m'approchais de ma mère. Je la giflais, et me mit à crier :
- ALORS C'EST DONC LA SEULE CHOSE QUI COMPTE POUR TOI ? LE FRIC ? VOUS ETES TOUS LES MEMES ! A COMPTER DE MAINTENANT, TU N'ES PLUS MA MERE, COMPRIS ?

Me calmant, je rajoutais d'une voix plus posée.
- Je viens chercher mes affaire dans une heure. Ne t'inquiète pas, ta fille ne te fera plus jamais honte.

Elle me regarda, choquée.
Alex me regarda, une lueur peinée dans les yeux.
Je le pris par la main et l'entraînait du côté opposé à ma mère.

- Tu peux me loger pour la nuit ? demandai-je d'une voix lasse et triste.

Nola était assise sur mon lit, le dos contre mon torse, elle avait l'air triste mais je n'osais rien dire de peur d'aggraver la situation. Je la serrai très fort contre moi.

Dès qu'elle eut cherché ses affaires sans croiser sa mère et dès que j'en eut parlé à la mienne, il fut convenu qu'elle resterait pour cette nuit au moins. Ma mère avait seulement posé deux conditions :

- Premièrement, vous ne dormez pas dans le même lit. Ça ne me gène pas si vous le faites, mais pas dans ma maison. Il y en a qui espèrent dormirent cette nuit. Et deuxièmement, parce qu'il ne faut pas que tu compte dormir ici gratos Nola...

J'ouvris deux yeux ronds. Je m'étais attendu à ce que ma mère veuille que l'ont fasse chambre à part, ça ne m'étonnais pas de sa part mais qu'elle réclame des sous à Nola, c'était inimaginable !

- Et deuxièmement, aide Alex à réviser pour le bac je t'en pris, il n'a pas le droit d'échouer alors je compte sur toi !

Je me rassurai : ma mère voulait juste que Nola me donne des cours. Si ce n'était que ça son "loyer", ça allait !
Puis elle nous avez congédiés en nous avisant que le diner serait prêt dans deux heures.

Depuis Nola n'avait pas ouvert la bouche. Je n'en pouvais plus. Il fallait qu'elle parle. Qu'elle me parle.

- Dis moi... tu pense à quoi ? Je... Tu m'en veux ? Après tout je te comprendrais, c'est de ma faute si tu t'es engueuler avec ta mère. Mais... Excuse moi ! Nola...
Je t'aime.

- Alex ... Je crois qu'il vaut mieux que j'aille dormir à l'hôtel, je ...
Il posa deux doigts sur mes lèvres :
- Reste, silteplaît.

Il me serra contre lui. Evidemment, je ne pouvais lui résister ...

Le dîner se passa tranquillement. Emilie et Michael n'arrêtaient pas de glousser, dès qu'Alex me regardait, et son père souriait aussi.

J'aidais la mère d'Alex pour débarasser, et lui donnai vingt cinq euros. Mais elle refusa catégoriquement.
Je voulais juste dormir, oublier tous mes soucis. J'y réfléchirais au petit matin.

Alex me laissa sa chambre. Je protestais, mais je me retrouvais quand même seule dans sa chambre après l'extinction des feux.

Je me blottis dans la couverture, et remontais la couette au-dessus de moi. L'odeur d'Alex était omniprésente, mais il manquait ses bras autour de moi, son souffle sur mon cou ...

J'étais fatiguée, et pourtant, le sommeil refusait de m'emporter.
Un heure passa. Deux. Trois.

N'y tenant plus, je me levais, et gagnai le salon tout doucement.
Alex était allongé sur le divan, les mains derrière la tête, et comtemplait le plafond blanc.
Je m'approchais de lui, et me voyant, il me fit une place. Je m'allongeai contre lui, et il me serra dans ses bras brûlants. Il posa sa tête sur mon cou, je me tournai, et enfonçai ma tête dans son torse.
Il soupira.

Nous restâmes ainsi toute la nuit, et je m'endormis, bercée par ses bras et sa voix qui fredonnait une chanson de Kyo.

Au petit matin l'odeur des croissants me réveilla. Je voulus me lever mais j'avais oublier que j'étais dans le canapé qui était beaucoup plus petit que mon lit. En roulant pour me poser les deux pieds par terre, je tombai donc avec un bruit sourd.

- Roooh 'tain !

Ma mère m'engueula à travers la pièce et je me relevai, me retrouvant nez à nez avec une Nola étonnée de me voir à ses pieds. Nous rimes, tous soucis oubliés et nous nous installâmes à table pour déjeuner.

- Merci pour les croissants p'pa.
- De rien mon fils. Ça fait plaisir de voir que j'ai pas élever un ingrat.
- Oui même si j'aimerais que tu m'obéisse quand je dis chambre à part, ajouta ma mère.
- Désolé m'man.
- Ne me mens pas.
- Ok. Je suis pas désolé du tout !
- Je préfère ça... lança ma mère d'un ton suspicieux qui nous fis tous rire.

Le téléphone portable de ma petite amie -mon cœur s'emballa lorsque ces mots résonnèrent dans ma tête- sonna et elle décrocha lorsqu'elle vit que le numéro affiché n'était pas celui de sa mère.

- Oui papa ?

La conversation dura une minute au plus puis elle racrocha et me dit que son père avait viré sa mère de la maison et qu'elle était denouveau, ou plustôt toujours la bienvenue. Elle fit donc ses bagages et après que nous lui ayons assuré qu'elle serait toujours accueillie à bras ouverts chez nous puisqu'elle faisait presque partie de notre famille elle s'en alla. Mais j'allais bientôt la revoir, je la laissai donc partir sans aucun regret.

Mon téléphone portable sonna. Je jettai un regard d'excuse à la mère d'Alex, puis regardai l'écran. C'était mon père.
A contrecoeur, je décrochais. Car en général, mon père ne m'appelait qu'en dernier recours.

- Oui, papa ?
- Nola. Ecoute-moi, silteplaît.
- Mmmh.
- Ta mère t'a euh ... bannie de chez nous. Sauf qu'elle n'est pas la seule à vivre ici. Et Audrey et moi désirons que tu reviennes.
Tu t'expliqueras avec Olga, et s'il le faut ... elle ira à l'hôtel tout le temps de ton séjour à Bordeaux.
- Papa ... je ...
- Ne me remercie pas, ria-t-il. Reviens-moi vite, je t'en prie.
- Maintenant ?
- Oui ?
- Je serais là dans une petite demi-heure. A tout de suite.

Je raccrochais, et me tournai vers Alex. Je lui expliquai la situation.
Puis je prenais mes affaires, et embrassai toute la famille.

J'aurais bien aimé qu'Alex m'accompagne, mais j'imagine qu'il avait deux trois choses à règler.
Je partais d'un bon pas à la maison. Je tournai ma clé dans la serrure, et entrai. Silence de mort.
Papa et Audrey jouaient aux échecs sur le plan de travail et étaient très concentrés. Ma mère était assise sur le divan, et cochait des vêtements dans un catalogue de vente par correspondance.
Elle leva la tête, et me sourit timidement. Elle tapota le divan à côté d'elle, m'invitant à la rejoindre.
Je m'asseyai à côté d'elle.
- Je devrais m'excuser, maman, mais je ne suis pas du tout désolée.
- Et tu as bien raison. C'est à moi de te présenter mes excuses. Je n'aurais pas dû parler d'Alex ainsi. C'est un garçon bien, sauf qu'il t'a fait beaucoup de mal en te quittant, et je n'admettrais pas qu'il recommence. Est-ce qu'il viendra un de ces jours, pour que je puisse tenter de m'ammender ?
- Je crois que tu l'as suffisamment dégoûté de revenir ici.
- Amène-le cette semaine, silteplaît.
- D'accord.
- Juste une dernière chose, ma chérie. Ne fais pas trop de mal à Matt, d'accord ?
- Je ferais ce je peux ...
Elle me serra dans ses bras.

Je me levais et montai me changer. J'enfilai un jean, un T-shirt, et prenai soin de mettre un maillot de bain.
En descendant les marches deux à deux, ma mère me demanda :
- Tu vas le retrouver ?
- Ouais ! criai-je, car j'étais déjà sur le perron.
Je claquai la porte et me retournai. Je pilai net. Il était là, et me regardai, amusé.
Je m'approchai de lui, et me mettai sur la pointe des pieds pour l'embrasser.
- On n'avait pas prévu de se retrouver au parc ?
- Je ne tenais plus, rigola-t-il.
Je levai les yeux au ciel.
Il prit ma main dans la sienne, et nous partîmes.

La semaine passa bien trop vite à mon goût. Les heures filaient, et je fis à peine la moitié de ce que je voulais faire.
Nous révisâmes, mais guère longtemps.
A chaque fois que je me penchai sur mes livres, Alex jouait avec une de mes mèches, ou embrassai mes épaules, mon cou ...
La concentration n'était donc pas très au rendez-vous, et j'étais aussi coupable dans cette affaire.

Nous nous retrouvâmes le dernier jour à la gare. Mon train partait avant le sien.
- Tu vas me manquer, soufflai-je.
- Pas autant que toi, dit-il.
- Sois sage.
- Et n'oublie pas de venir le week end dans deux semaines, pour les portes ouvertes de mon lycée. J'aurais l'air fin si tu me poses un lapin.
- Je ne risque pas d'oublier.
Il rit. J'aimais tant ce son, et ne pas l'entendre pendant deux longues semaines risquait d'être affligeant.
- Je t'appelle un de ces jours.
- OK, dis-je. A dans deux semaines, alors.
- Voui...
Il m'embrassa tendrement, je nouai mes mains autour de son cou.
Notre baiser dura longtemps, mais je dû me détacher de lui pour ne pas rater mon train.

Assise dans le train, j'étais déjà triste. Je saisissais mon portable.
Une tonalité.
- Allo ?
- Je t'aime.
- Moi aussi, dit-il.
- J'ai omis de te le dire. Désolée.
- Tu m'appelles demain ?
- Oui.
- Ben ... alors à demain ?
- Oui. Je t'aime.
- Tu l'as déjà dit.
- C'est pour que tu n'oublies pas.
- Je ne risque pas.
- A bientôt, Alex. Tu vas vraiment me manquer.
- Toi aussi. Mon train arrive, je dois te laisser. Prends soin de toi, et n'oublie pas de m'appeler quand un garçon trop audacieux te courtise.

Je ris, puis racrochai.
Le train prit de la vitesse, et je sentis les larmes couler sur mes joues.
Pourquoi étais-je donc si sensible ?