14. Vacances au bord de mer.

- C'est bon, on a rien oublié ? me demanda Nola.
- Si je pouvais t'oublier toi, pour avoir des vacances, ça m'arrangerai.
- T'as les valises, les papiers d'identités, ton porte monnaie...
- Les stylos ! J'ai oublié les stylos !
- De quoi tu parles ? J'ai des stylos.
- J'ai pas dis des stylos, j'ai dis les stylos.
- Hein ?
- De toute façon tu comprends jamais rien ! dis-je avec un mouvement de la main genre "Parle à ma main".

Elle soupira et sourit.

Je retournais dans la chambre à coucher et j'ouvris tous les tiroirs à la recherche du paquet de stylo publicitaires pour les trouver sur mon lit, posés bien en évidence.
Évidemment.

Comme dit le proverbe :
Il est dur de trouver un chat noir dans une pièce sombre.
Surtout quand il n'y est pas.

Nola vint dans la chambre et l'appuya contre l'encadrement de la fenêtre.
- Et tu vas faire quoi avec tous ces stylos ?
- Écrire des millions de lettres à ma maîtresse.
- Tu peux pas être sérieux deux secondes ?
- Allez, pour toi je vais essayer, mais pas plus que deux secondes !
Je m'approchais d'elle et touchai son nez du bout du mien.
- Je t'aime, princesse.
Elle voulut passer ses bras autour de moi et m'embrasser mais je reculai et lançai, avec un sourire moqueur :
- Voila, les deux secondes sérieuses sont finies !
- Moi aussi je t'aime...

Dans la voiture, en route pour l'aéroport je lui dis que ces stylos étaient des cadeaux pour les enfants des villages. Ils les adoraient surtout quand il y avait le bouton derrière, le "clic-clic".
- Tu penses toujours aux autres, remarqua-t-elle, assez judicieusement.
- C'est faux. Je pense aussi à toi, et toi tu n'es pas une autre, rétorquai-je.
- Mais jamais à toi.
- Pourquoi tu dis ça ?
- Parce que tu as oublié ta pile de slip à la salle de bain, glissa-t-elle malicieusement.

Je fermai pour la troisième fois la porte de l'appartement.
- C'est bon cette fois on a les sacs de couchage.
- T'es sûr ?
- Certain. On peut y aller maintenant ?
- Ça va être dur, l'avion part dans... -elle jeta un coup d'œil à sa montre/ En fait il est parti il y a dix minutes.
J'éclatai de rire.

Le concierge arriva derrière nous et haussa un sourcil en voyant qu'on ne tenait plus debout.
- Je peux avoir les clefs ? Le nouveau locataire va bientôt arriver.
- Bien sur, tenez, les voici.
Il décrocha les clefs de voitures que je venais de lui donner avec et me dit :
- Gardez ça, vous en aurez peut-être encore besoin.
- Merci, intervint Nola, voyant que je n'arrivais pas à répondre tellement je riais.

Nous nous installâmes dans la voiture, elle au volant. Alors qu'elle se mettait à conduire, je lui demandai :

- Et où va-t-on Mademoiselle ?
- Dans les étoiles, me répondit-elle avec un fin sourire.
- Et tu m'a toujours pas dit, c'était quoi la lettre d'Audrey ?
- ...
- Matt ?
- Oui, Matt.
Je serrai les poings et elle posa une main apaisante sur mon bras.
- Elle l'aime.
- Sérieux ?
- Justement je suis pas sûre alors on va la chercher comme on a loupé l'avion.
- Et on va la chercher où ?
- J'te l'ai déjà dit, dans les étoiles, t'es sourd ou quoi ?
- Cool, j'ai toujours rêvé d'être astronaute...

- Allez, sérieusement, on va où ? retenta-t-il.
- Parce que tu es sérieux ?
- Tu pourrais te contenter de répondre ?
- On va poursuivre sur notre voie de truands. On va fouiller la chambre d'Audrey, parce que je n'ai aucune idée de l'endroit où elle peut être.

La porte de la véranda étant ouverte, nous rentrâmes sans toquer. Mes parents étaient affalés sur le tapis du salon, devant une pile de magazine de tapisseries.
- Retrouver Audrey vous préoccupe au plus haut point, apparemment.
- Bonjour ! lança ma mère, mine de rien.
- Audrey va très bien, chérie. Elle a téléphoné ce matin.
- Et ?
- Elle rentre à la fin de la semaine prochaine.
- Ca ne vous a pas effleuré que Matt pouvait lui faire du mal ?
- Elle sait ce qu'elle fait, Nola. Ca nous suffit, Audrey est responsable.

Je quittais la pièce d'un pas rageur. C'était bien mes parents. Lorsque la situation était trop compliquée, ils se cachaient derrière de beaux petits prétextes piur éviter de trop se fatiguer.
Alex me rejoingit et nous entreprîmes de fouiller la chambre de ma petite soeur, sans succès.
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J'eus alors une idée, et je m'en voulus d'y penser aussi tard. Avec un peu de chance, ma soeur ne s'était pas débarassée de son portable, et je pourrai la joindre.
Elle déccrocha au bout des quatre tonalités les plus longues de ma vie.
- Allô ?
- C'estNolaneraccrochepas !
- J'étais sûre que tu m'appelerais ... soupira-t-elle.
- A juste titre, non ?
- Combien de fois devrais-je encore le répéter ? Je vais bien, Matt ne m'a pas kidnappée, d'accord ?
- Je n'en ai aucune preuve.
- Tu as ma parole. Aucune arme blanche ne me menace.
- Dis-moi où tu es.
- Pour que tu rappliques ? Rêve toujours.
- Et le lycée ?
- Je suis bonne élève, et franchement, ce n'est pas à toi de me donner des leçons.
- Je t'en prie, petite soeur. Je voudrais juste venir voir si tout va bien pour toi, je suis morte d'inquiètude.
- Mais tout va bien !
J'entendis alors en arrière-fond un bruit de vagues se fracassant contre les rochers. J'eus alors une idée de l'endroit où ils pouvaient être. Du moins l'endroit où Matt emmènerait ma soeur pour être tranquille.
- Bon, d'accord, cédais-je. Mais je t'appelle demain.
- Je serais encore en vie.
- Je verrais ça demain. Fais attention à toi.
- C'est ça. A la semaine prochaine.
Elle coupa la communication avant que je puisse ajouter quelque chose.
Une petite partie de moi pensait qu'Audrey ne risquait strictement rien, mais cette partie était bien trop infime pour que je lui fasse confiance. J'irais donc les retrouver, et je ramènerai Audrey par la tignasse s'il le fallait. En bottant les fesses de Matt au passage.
Nonchalement affalé sur le lit de ma soeur, Alex me demanda où nous en étions.
- Ils sont dans la maison de vacances de Matt.
- Tu sais où c'est ?
- Oui. J'y ai passé des vacances avec lui.
Prudent, il n'ajouta rien, mais je sentis sa réprobation et sa colère.
- On y va ?
- Comme il est hors de question que tu approches seule ce psychopathe, oui, on y va.
Sa phrase sonna comme un verdict mondialement attendu, et je souris devant la solennité et la gravité de son visage.

- Au fait, ça ne te gène pas de ne pas partir tout de suite en Namibie ? me demanda Nola alors que j'étais au volant de la BM de mon père.

Je suivait ses indications et j'étais profondément jaloux qu'elle se souvienne aussi bien du chemin de la maison de ce clampin.

- Si, mais on a pas le choix, il n'y a qu'un seul avion par semaine pour Windhoek à Roissy-Charles de Gaule. Le prochain est mardi, dans six jours, à 23h07. C'est chiant on volera de nuit.
- Tu veux pas qu'on prenne un bateau ?
- Mauvaise idée. Mal de mer.

Je me tus et me reconcentrai sur la route.
Chacun écoutait le silence de l'autre.
- Tu as peur pour ta sœur ?
- Je sais pas.
- Oui ou non ?
- Je ne sais pas, j'te dis !

Silence.

- T'étais déjà souvent chez lui ?
Superbe question, pour remettre de l'ambiance.
- Arrête on dirait un ado jaloux. On est plus des ados.
- On est quoi alors ? Des adultes responsables ?
- C'est vrai que ça de convient pas trop à toi. On va être parents tu sais.
- C'est pas parce qu'on aura un enfant qu'il faut plus qu'on soit nous même.
- Ah, parce que la jalousie c'est toi ?
- C'est pas ce que j'ai voulu dire...
- Alors j'ai pas compris, mais tu m'expliqueras un autre jour, parce que là, on est arrivé.

La maison était un petit cottage en bord de mer. Le cadre était magnifique : les pieds dans l'eau, entouré de grands arbres qui protégeaient des regards indiscrets, aucun voisin avec qui se brouiller. Tranquille, pépère le hamster. La bicoque en elle-même était aussi sympa. S'étalant sur trois étages, sa façade était en lattes blanches et de mignons volets bleus ornaient chaque fenêtre.
C'était grandiose.
Pas étonnant que les nanas aiment rester avec lui.
Rien que l'extérieur de sa demeure respirait le luxe et le calme. On imaginait facilement un type riche mais pas superficiel, grand, généreux, mystérieux...

Et dire que Nola avait été dans cette baraque. Qu'elle avait posé ses fesses sur son canapé. Qu'elle avait regardé cette mer calme et lipide. Qu'elle avait peut-être même dormit dans son lit. Voir plus.
Toutes ces pensées virevoltaient dans ma tête, se cognaient, s'entrechoquaient, se désintégraient... et me rendait fou.

Elle me prit par la main et m'entraina vers la plage.
- Viens, ils sont sûrement dans la crique.
Je n'ai pas osé demander de quelle crique il s'agissait, et encore moins comment elle le savait.
Je me suis contenté de la suivre, comme un aveugle, m'accrochant à elle tel un naufragé à sa bouée de sauvetage.

Nous marchions sur la plage, pieds nus, main dans la main. Les vagues effaçait nos pas au fur et à mesure que nous avancions et je lui chuchotai, en passant mon bras autour de ses épaules :
- On pourrait presque croire qu'on est bien là et que tout va bien...
- Oui sauf que tout ne va pas bien.
- Peut-être que si.
- J'espère que si. Embrasse moi.
Avant que j'eus le temps d'accepter, elle se jeta littéralement sur moi et me fit un baiser presque désespéré.
- Voila, ça va mieux, dit elle en reprenant sa marche.
On peut y aller.

J'étais bien trop tendue. Afin qu'Alex ne sente pas mes doigts se crisper, je lâchais sa main. Il me regarda, surpris, mais n'ajouta rien. Il ne voulait sûrement pas recommencer notre petite duispute de la voiture. Et moi non plus.
A un moment ou à un autre, nous devrions remettre ce sujet sur le tapis et nous expliquer.
Pas encore.
Retarder ce moment.
Pour peu, j'étais heureuse de la naïveté d'Audrey, qui me présentait une excuse tout faite -et parfaite-, pour fuir.
Je ne m'étais pas trompée. A une centaine de mètres, deux silhouettes étaient assises à même le sable, et on distinguait leurs doigts entrelacés. Le couple parfait, se jurant un amour mutuel face à un coucher de soleil sur la mer.
Sauf que c'était ma soeur. Et que le type qui la touchait allait se prendre une râclée.
Sans attendre mon compagnon, j'allais à leur rencontre.
A dix mètres, ils levèrent les yeux vers moi.
A huit mètres, leurs yeux s'arrondirent dans un ensemble parfait.
A six mètre, Matt lâcha la main d'Audrey.
A quatre mètres, il se se mit debout.
A deux mètres :
- Nola ! Ecoute-moi s'il te ...
A zéro mètres, mon poing dans son estomac le fit tomber au sol.
- J'espèrais que tu aurais disparu pour de bon. Trop naïve, comme d'habitude. Alors on va refaire une petite mise au point. Si tu t'approches encore une seule fois de ma petite soeur, je te tue, et cette fois pour de vrai, d'accord ? Conclusion, tu prends tes
cliques et tes claques et tu te casses. Et c'est ta dernière chance.
Audrey prit le bras de Matt pour l'aider à se relever. Je voulus la tirer vers moi, mais elle me repoussa.
- Calme-toi, Nola. Ca ne sert à rien de discuter comme ça, alors viens, on va s'asseoir et boire un café.
- Audrey, ouvre les yeux, bon sang de bordel de merde ! Matt t'a mis le cerveau à l'envers !
- C'est plutôt Alex qui t'a fait perdre ta raison ! Tu deviens parano !
- Alex n'a rien à voir avec ça ! criai-je.
- Ah oui ? Qui est revenu, qui a brisé le coeur de Matt en t'emmenant ? Regarde un peu son culot !
- C'est n'est pas à toi de juger ça !
- Et ce n'est plus à toi de me dire ce que je dois faire ! Regardez-vous un peu tous les deux ! Deux pommés humanitaires qui vont briser la vie de leur gosse !
- Audrey, tais-toi, dis-je calmement.
- Me taire ? Alors que tu commets la plus grosse connerie de ta vie en restant avec Alex ?
- Matt ? Tu veux bien venir avec moi deux minutes ?
Il me suivit sans faire d'histoires, laissant Audrey trépignante de colère et seule au milieu de la plage.
Nous nous assîmes un peu plus loin, et j'inspirais pronfondément afin de me calmer.
- Je n'ai pas oublié ce que tu as fais. Et c'est à cause de cela que je veux que tu quittes Audrey.
- Je comprends.
- Mais tu ne le feras pas, n'est-ce pas ?
- Non. C'est hypocrite de dire cela, mais je l'aime. Elle m'a permis de tourner la page sur ce qui c'était passé entre nous, et je suis bien avec elle.
- Sauf que je n'ai aucune preuve que tu ne lui feras pas de mal.
- Je ne suis pas un psychopathe, et tu le sais.
Il posa sa main sur mon épaule.
- Crois-moi.
- Mais t'as fumé quoi, toi ? LACHE-LA !
Alex. Sa présence aurait dû me rassurer, mais elle ne fit que m'exaspérer. Je me mis sur pieds.
- Je vais marcher, dis-je en quittant la plage.
- Attends, je viens !
- Alex, j'aimerais être seule.
- Et lui ? Et ta soeur ?
- C'est bon, soupirai-je, lasse.
Je partais en direction du chemin encadré de pins, laissant derrière moi un Alex désamparé.
Les arguments de ma soeur, auxquels je ne croyais pas le moins du monde, m'avaient tout de même atteinte.
J'étais tellement fatiguée que je ne fis pas demi-tour et appelais Alex sur son portable.
- C'est moi, je vais dormir à l'hôtel. Rentre à Bordeaux, je serais là demain soir au plus tard.
- Nola, attends.
- Quoi ?
- Je suis désolé.
- Tu n'as pas à l'être. Ne t'inquiète pas, et à demain. Ne fais pas de conneries.
J'aurais aimé avoir une voix joviale, mais ma dernière phrase tomba lourdement et je raccrochais.

[ comme c'est le désert arride chez toi, je continue, j'arrive plus à contenir mon enthousiasme ... et j'ai nouveau un élan d'inspiration, ce qui était pas arrivé depuis ... une éternité ^^ ]

Je levais péniblement mes yeux du verre de vodka sur lequel je méditais à m'en exorbiter les yeux pour dévisager la personne qui venait de s'installer en face de moi.
- Oh non ... pas toi ...
- Tu es seule ?
- A ton avis ? rétorquai-je.
- Alex n'est pas avec toi ?
- Et où as-tu enterré la dépouille de ma soeur ?
- Tu veux que je l'appelle ?
- Fous-moi la paix, Matt.
- Qu'est-ce que tu fais ici ?
- Je vais me bourrer la gueule. Désolée, c'est complet. Laisse-moi mourir dignement.
- Tu veux que je te raccompagne ?
- Arrête, ou j'appelle la police.
- Pour quel motif ?
- Tentative de viol, enlèvement de mineure ... Et je t'en épargne.
- Je te téléphone demain. Et tu sais très bien que tu ne résistes pas longtemps à l'alcool, alors cas-y doucement ma belle.
Je fixais la porte avec insistance, et lui n'insista pas. Il s'en alla -enfin-.
Je buvais mon verre cul sec et recommandais.
Deux verres, trois verres, quatre, cinq, six, sept ...
Je perdis le compte.
Je flottais en apesanteur, légère, au-dessus d'un petit nuage, d'où plus rien ne pouvait m'atteindre. Envolés mes problèmes, mes responsabilités ...

J'ouvrais péniblement les yeux. La lumière crépuscule m'éblouit et je les refermais vivement. Je tâtais le lit sur lequel j'étais allongée et me décidais à soulever encore une fois mes paupières pour vérifier que je n'étais pas encore au Paradis.
Une petite chambre mauve, simple mais confortable.
Et installé sur un fauteuil, Alex. Qui me regardait, réprobateur et ... en colère.
- Euh ... je vais bien ? tentais-je.
- Mais oui ! Alors je te ramène encore un peu de vodka, pour que tu puisses enchaîner sur la quinzaine que tu t'as enfilé hier soir, histoire d'achever le bébé ...
- On est où ?
- Dans la maison de Matt, lança-t-il, haineux. Et n'espère pas changer de sujet ... Tu n'étais pas la fille mûre et réfléchie, qui ne fuit pas devant ses responsabilités ? J'appelle ça de la lâcheté, ma pauvre.
- Arrête, Alex.
- De quoi ? De te rappeller qui tu es ? Je crois que justement tu en as besoin ! Je tiens à ce gosse, alors fais ce que tu veux, mais pendant le restant de la grossesse, tu restes sobre !
- Parce que tu crois que je n'en veux pas ? Jusqu'à présent, c'est moi qui le porte. Donc je fais ce que je veux. Je ne suis plus une gamine à qui on dicte sa vie et qu'on sermonne !
- Celui qui se croit grand ne l'est pas.
- Ca te va bien, de philosopher !
On toqua à la porte, et Matt entra sans attendre de réponse.
- Dégage, toi, dit Alex.
- Au contraire, reste, l'encourageai-je.
- Petit-déjeuner.
Il posa un plateau bien garni devant moi.
- Je crois qu'elle préfèrerait de la vodka.
- Ta gueule !
- Au moins, j'essaie de prendre soin d'elle, insinua Matt.
Alex démarra au quart de tour et se leva pour se mesurer à son rival.
- JE prends soin d'elle.
Il prit le plateau et renversa le tout sur Matt - jus d'orange, chocolat chaud, croissants et confiture sur une chemise blanche anciennement immaculée-. Il me tira par le main, ramassa mon sac et me tira vers la porte.
- On y va. Merci de ton hospitalité.
- Lâche-moi, Alex.
- Pourquoi ? Ce crétin te plaît ? Tu veux l'épouser ? Mais parfait ! Alors n'oubliez pas de me demander d'être garçon d'honneur et parrain de mon gamin !
- Tu es enceinte ?
J'arrachais ma main de celle d'Alex et m'enfuit.
Encore une fois.
- Nola ! On a pas tout dit !
- Si, Alex, tu as tout dit. Sauf que je n'avais pas besoin d'engueulades, mais ça, ça t'a échappé ! Et je n'en peux plus ! Alors laisse-moi !
J'essuyai rageusement les larmes qui coulaient sur mes joues et partit en courant vers la plage.

[ il va falloir m'épater, ma belle ! ]

[ Tu m'avais demandé ce qui m'énerve.
Ben ça, ça m'énerve. ]

Je courais depuis une heure ou deux, en essayant de faire le vide en moi.

Pourquoi ça ne marchaot pas ?

D'habitude ça marche.
Autrefois ça marchait.

Il me suffisait d'entamer la première foulée pour retrouver cet état d'esprit réparateur.

Là non.

Toutes ces putains de pensées me faisaient toujours chier.
Et puis merde.

Je suis où au fait ?

Elle est où la mer ?
A ma droite, je descends donc.
J'ai pas envie de faire demi-tour tout de suite.
Je vais encore courir un peu.
Faut que je me défoule.

Elle est où la mère ?
Elle est pas encore mère...
Toi ta gueule avec tes réflexions à deux francs cinquante. Tu m'aide pas là.
Tu sais que ce parler à soi-même c'est le premier signe de la folie ?
Si je suis fou c'est à cause de toi. Alors, FERME-LA !
C'est bon, fais comme si j'étais pas là.
Tu n'es pas la !

Elle est où la mère, donc ?
Avec son stupide besoin d'être seule.
J'en ai marre, ah si tu savais comme j'en ai marre.
Je sais mec, je sais...
T'ÉTAIS PAS PARTIT TOI ?!
J'y peux rien moi, si tu m'a sonné.
Retourne dans ton trou !
Okay, ça fait plaisir d'être apprécié... Je comprends ta copine si elle te fais la gueule.

Je freinai net. Et fis marche arrière.

Tu pense qu'elle me fait la gueule parce que je l'aime pas ?
C'est bien possible, si tu la traite comme un chien.
Je traite pas Nola comme un chien ! C'est elle qui m'envoit bouler !
Oui, mais si tu l'aime, il faut que tu lui courre après dans ses moments là.
T'es sur ?
C'est toujours mieux que de courir tout seul sur la plage.
...
Alors t'en pense quoi ?
T'as p'être raison...
Mais oui j'ai raison ! Allez, va la chercher ton amour ! Si ça ce trouve, elle est toute seule et triste parce que t'es pas avec elle !

J'accélérai.
Je me mis à courir comme jamais je n'avais couru.
Je volais au-dessus de la plage.
La tête vide de toutes pensées.

Arrivé aux alentours de la maison, je ralentis.
Je n'avais aucune envie de voir la face de cul de Matt.
Mais c'était sa maison après tout...
Je ne pouvais quand même pas m'incruster comme ça chez lui et faire comme si j'étais le roi.

Nan ?

Je peux pas ? T'es sur ? Moi j'vais t'montrer le contraire.
Rien n'est impossible pour Kim Possible.
Quoi tu regardais ce dessin animé ? Laisse-moi rire. Ahah.
Tais-toi.

Elle avait claqué la porte juste son mon nez et je l'ouvris avec une telle violence que Matt eut peur qu'elle sorte de ses gonds.

- T'en as marre des engueulades ? hurlai-je alors que je voyais son dos fuir devant ma colère et passer une autre porte, moi je restais dans le couloir, incapable te bouger un muscle autre que ma mâchoire. Et ben moi aussi. J'en ai marre de gueuler, j'en ai marre que tu fasse n'importe quoi sans penser que je pourrais être un peu concerné, je te rappelle que je t'aime et que j'ai envie de passer le reste de ma vie avec toi, mais si tu n'en fais qu'à ta tête ça ne vas pas aller. J'aimerais que notre enfant aie des parents unis et amoureux, pas des pauvres cons qui se gueulent dessus, au fur et à mesure que je parlais, ma voix se calmait et devenait plus rauque, comme si j'étais sur le point de fondre en larmes. Je t'aime Nola, je n'aime pas te crier dessus, surtout quand t'es dans la pièce d'à côté, adossée contre le mur en retenant tes larmes parce que ta vie n'est pas celle que t'attendais. Je ne te vois pas mais je t'imagine très bien. Je te connais par cœur. Je me hais quand j'hausse le ton avec toi, mais je sais que si je n'hurle pas, tu ne m'entendras pas. Je ne fais pas ça par plaisir, ni par devoir, juste parce que je ne sais pas quoi faire d'autre pour que tu accepte d'écouter ce que j'ai à te dire. J'en ai marre, qu'est ce qui a fait qu'on soit devenu comme ça ? Pas Matt, sûrement pas lui. Il aime ta soeur, ça se voit comme le nez en plein milieu de la figure, mais tu es trop aveuglée par le passé pour le voir. Ne t'inquiète pas pour Audrey, elle sera heureuse avec celui qu'elle aime. Est-ce que c'est à cause de l'enfant que tu porte qu'on se crie dessus ? Pour moi c'est un... je suis telement heureux... Alors pourquoi on est comme ça ? Pourquoi ? POURQUOI ?! Pourquoi ...

Je m'arrêtais et je posais la tête contre le mur qui me séparait de ma bien-aimée.
Ou pas.
Ta gueule, toi. T'es ch... Comment ça ou pas ?

- Oh putain si t'es pas là, j'ai l'air d'un con.

Je repris ma respiration et je murmurai, afrontant le ridicule ou pas :

- You are the sun. You are the only one.
Pourquoi tu comprends pas que sans toi je suis plus rien. Que quand tu pars je ne suis plus moi. Et que quand tu me dis "J'ai besoin de rester seule...", tu me troue le coeur ?
Je croyais que tu avais compris que l'union fait la force, jeune padawan. L'énergie
d'un Jedi découle de la Force, mais prends garde au Côté obscur.
Colere, peur, agressivité, solitude: le Côté obscur de la Force, elles sont.
Facilement elles coulent dans une bataille.
Ne tombe pas dans le mauvais côté. N'oublie pas que tu es l'élue.
Mon élue à moi.
Ma only one...

Ca aurait été si facile de me cacher derrière l'excuse du dérangement hormonal. Mais j'en ai assez de fuir, de me cacher et de recommencer les même erreurs. Et ça me donne envie de pleurer tellement ça a l'air stupide.
Je suis désolée, mon amour.

Je glissais la feuille de papier sous sa porte. Autant poursuivre sur la voie de la non-communication. Je l'entendis déplier la feuille.
Le parquet craqua quand il se dirigea vers la porte pour l'ouvrir. J'étais déjà debout.
- Finalement, je crois qu'on a pas tout dit ...
- Alors viens.
Il m'entraîna dans la petite chambre et ferma doucement la porte. Il s'assit sur le lit et me prit sur ses genoux.
- J'ai eu peur, et je ne t'ai pas trouvé. Ca a suffit pour que je dérape.
- La prochaine fois, je serais là.
- Il n'y aura pas de prochaine fois.
Il se raidit et écarquilla les yeux.
- Tout ça n'avait donc pas de sens pour toi ? Tout ... tout ce que j'ai dit, tout ce que tu as dit ?
- Bien sûr que si, petit abruti.
Je cherchais ses lèvres, lui passa sa main derrière mon dos pour me retenir.
- Si tu m'embrasses un peu mieux, je te promets que je ne m'enfuierais pas ...
Je me mis à fredonner, tout bas et je le vis sourire.
I remember you driving to my house in the middle of the night
You are the one who make me laugh when you know I'm about to cry
You know my favorite songs and you tell me about your dreams
I think I know where I belong. I think I know it's with you.

Je reculais légèrement et il croisa immédiatement ses mains dans son dos.
- Je t'ai connu plus audacieux. Désolée, mais pas ici.
- Pourquoi ? Ca te rappelle de mauvais souvenirs ?
- Je vais mettre une petite chose au clair : Matt et moi ne sommes jamais allés plus loin que le baiser.
- Avec la langue ?
- Tu n'as pas trouvé plus spirituel comme réponse ?
J'arrangeais ma tenue et prit sa main. Nous arrivâmes dans la cuisine où Audrey et Matt préparaient le dîner.
- Vous mangez avec nous ?
- Oui.
Dix minutes plus tard, nous étions attablés, Matt et Alex face à face, se regardant dans le blanc des yeux.
- Je n'aurais jamais pensé manger à côté de toi, dit Alex.
- Et moi t'heberger ...
Je passais, sous la table, ma main sur la cuisse d'Alex afin de le calmer. Je détournais la conversation sur leurs futurs projets, et le dîner ne tourna pas à une effusion de sang.
Plus tard, alors que j'avais éteint la lumière depuis longtemps, il me demanda :
- Comment tu fais pour rester si calme avec lui ?
- C'est un ami.
- N'empêche ...
- N'empêche il a fait beaucoup de conneries, mais justement, c'est un ami. Et c'est pour ça que je l'ai pardonné. Mais je n'oublierais jamais ce qu'il a fait.
Il posa doucement sa main sur mon ventre qui commençait à s'arrondir. Plus qu'un contact. Une promesse d'avenir.

[ Bonne vacances, petiote. ]

L'eau m'entourait à perte de vue.
La maison n'était plus qu'un point lointain, presque inaccessible et je me laissait porter par les flots salés.

Quand Nola avait appris mon envie de nager, elle m'avait traité de fou, évidement, vu l'état de la mer, je la comprenais. Mais j'avais beau la rassurer, elle ne voulu pas m'accompagner et resta assise sur la plage à m'attendre et à m'observer.
Tant pis.

J'entamai le voyage de retour, commençant au crawl et terminant par une brasse coulée.
J'avais les yeux fermés et je ne sentais rien d'autre que l'onde qui m'entourait. C'était magique.
Un bout d'un moment, toujours trop tôt à mon goût, le souffle me manquait, l'air ne circulait plus parfaitement dans mes muscles, mes jambes se faisaient plus lourdes, alors, à regret, je sortais la tête de l'eau et prenais une bouffée d'air marin, avant de replonger aussitôt.

Il me fallut un bon bout de temps pour arriver à regagner la plage, car les courants déviaient mon trajet. Mais je parvins quand même à poser mon pied sur le sable fin.
- Il te va bien le maillot de Matt, me lança Nola, assise à la terrasse aux côtés de sa sœur et d'une tasse de café.
- Arrête, il me boudine comme c'est pas possible !
- Ouais, désolé j'en avais pas d'autre.
- T'inquiète c'est pas grave, mais j'aurais aussi pu me baigner en caleçon.
- Ça te dit du surf ? Le temps est idéal, proposa mon "beauf".
De belles vagues agitaient l'océan et, près de la plage, des
rouleaux assez impressionnants venaient se fracasser sur la rive.
- Ouais !
- Cool, vient m'aider à chercher le matos. J'ai deux planches.
- Hum... Mais je sais pas en faire...
- QUOI ? T'as jamais surfer ?
- Ben...
- Bon, vient je vais t'apprendre, Hombre.

Au bout d'une heure, de nombreuses gamelles formidables et d'éclats de rires tout aussi formidables, j'arrivai à tenir sur la planche et je m'étais fait un ami. Cool.

Nous étions à table, en train de dévorer des pizzas à emporter, enfin, surtout nous les mecs, parce que les nanas c'était plutôt je picore, tu picores et ils finissent les restes, quand Nola prit la parole :
- Merci beaucoup de nous avoir héberger ces quelques jours, et désolée, au début c'était pas très... convivial, on va dire.
- Et désolé pour le petit-déj que je t'ai reversé dessus Matt, intervins-je.
- Pas grave, mec, c'est déjà oublié.
- Bon vous me laissez parler ou quoi ? Donc, je disais, que nous allions partir. Notre avion décolle après-demain pour la Namibie.
- Mais on va se revoir quand ? demanda Audrey.
- Bientôt, de toute façon on va inviter tout le monde, la famille, les amis, et tout, et tout, pour la naissance du petit.
- Ah bon ?
- Rooh, mais oui Alex, j't'en ai déjà parler.
- Ah oui... c'est vrai...
- Donc on va essayer de vous inviter, genre dans six mois. Je crois que c'est ça.
- Ok, pas de soucis, alors à dans six mois...

- Alors ? Nous voila de nouveau en route pour l'Afrique ?
- Faut croire... Mais regarde où tu roule !
- T'inquiète je gère !
- C'est justement quand tu me dis ça que je m'inquiète...
- Rooh... Et puis c'est bien, on va gratter toutes les files : priorités aux femmes enceintes ! T'es sûre que tu veux accoucher là-bas ?
- Certaine.