J'avais fini par rentrer.
Je savais que cette page était désormais tournée, la page la plus lumineuse de mon existence. Je m'étais résolue à oublier, du moins en surface. J'avais pris le soin de bien verrouiller mon coeur, et de jeter la clé dans le canniveau.
Ma mère m'avait barré le passage, avant que je ne puisse aller me réfugier dans ma chambre.
Elle m'avait jaugée, haussant un sourcil et essayant de comprendre.
- Qu'est-ce qui s'est passé ? demanda-t-elle d'une voix douce.
Je m'apprêtais à lui expliquer, quand soudain je me ravisais.
- Rien.
- Nola, je ne suis pas stupide ! Tu devrais voir ta tête, chérie.
- J'ai pas envie d'en parler, maman. Je t'expliquerai plus tard.
Je la contournais, et telle une voleuse, me réfugiais en courant dans ma chambre, où je m'enfermais à double tour.
Je me laissais glisser le long de la porte.
Ma chambre me paraissait bien fade.
J'avais perdu le fil du temps quand ma mère m'appela :
- Nola ! Visite !
Je me levais sans hâte et me regardais dans mon miroir. Piètre allure.
Mon mascara avait coulé, et de longues taches noires barraient mes joues. Mes yeux étaient gonflés, rouges.
Pas question de sortir avant demain.
Je regardais par la fenêtre, qui me donnait une vue sur le perron.
Mon coeur cessa de battre.
Qu'est-ce qu'il faisait là, lui ?
Il ne n'avait pas eu son compte d'adieux ? Ou il voulait encore me voir pleurer ?
Une petite voix me souffla qu'il venait peut être implorer mon pardon.
J'hésitais.
Mais tout ce temps passé avec lui, tout ce qu'il m'avait apporté, joua en sa faveur.
Inutile d'essayer d'arranger ma figure.
Je sortais en trombe de ma chambre.
J'ouvrais la porte.
Il parut sincèrement désolé en me voyant.
- Pourquoi tu es revenu ?
Aucun reproche.
- Je pars dans une heure. Je voulais juste te dire aurevoir.
- Promets moi seulement qu'on restera en contact et que tu reviendras.
Il ouvrit sa bouche, mais fut coupé par ma mère.
- Tu ne crois pas que tu as fait assez de dégâts comme ça, toi ? Va-t-en, et ne reviens pas !
Elle entreprit de fermer la porte. Je la bloquais de mon pied.
Elle me recula fermement et ferma la porte.
- Alex ! Je t'ai...
Ma mère me colla sa main sur ma bouche, et de l'autre, claqua la porte.
Elle me regarda, sans aucune trace de colère.
- Tu me remercieras un jour, Nola. Tu es bien trop dépendante de lui.
Il finira par t'abandonner, et alors tu ne t'en relèveras pas.
Maintenant, viens, on doit avoir une petite conversation, toi et moi.
Elle m'entraîna dans ma chambre.
Ma vue était brouillée par mes larmes.
J'avais presque réussi à le lui dire.
Dans les romans, quand l'héroïne avoue au prince charmant son amour, il y a plein d'artifices, tout est beau, enfin il se passe quelque chose.
Là, ça avait été le vide total.
Il n'avait donc pas entendu.